Motilité musculaire permanente et retour veineux
5 arguments en faveur de la MMP
Les théories classiques ne donnant pas les solutions escomptées à la problématique motrice du retour veineux, nous avons tourné notre regard vers un acteur déjà reconnu par tous lorsqu’il est en activité, c’est-à-dire le muscle.
Nous savons tous que lors de sa contraction celui-ci chasse le sang qu’il contient dans les voies veineuses. Il participe ainsi pleinement à la dynamique du retour veineux. Il n’y a pas de problématique majeure concernant le retour veineux pendant l’effort, c’est lors des phases de repos que la question se pose : Quel est l’acteur, jusqu’à présent caché, qui donne assez d’énergie pour permettre au sang veineux de remonter jusqu’au cœur droit ?
Tournons encore notre regard vers le muscle, mais cette fois pendant ses périodes de repos. Mais surtout, posons la main dessus. Notre main perçoit que le muscle est en activité (subliminale pour le sujet) lorsqu’il est au repos.
Nous avons appelé cette activité Motilité Musculaire permanente (MMP).
La Motilité Musculaire permanente (MMP) est l’activité caractérisée par la contraction et la décontraction des muscles squelettiques lorsqu’ils ne sont pas en mouvement (même en dormant). Cette motilité est perçue par la main des ostéopathes.
Description
En permanence, les muscles se remplissent, puis se contractent, chassant ainsi le sang contenu dans leurs veinules. Ce mouvement est spontané et involontaire, il se produit en dehors de l’activité dynamique du muscle.
On retrouve également cette activité lors des phases statiques du muscle, elle est perceptible en position debout au niveau des jambes.
Au niveau des mollets d’un homme debout, une partie des fibres musculaires travaillent de façon statique (pour le maintien en position érigée), nous pensons ici aux fibres oxydatives rapides et les autres en mode dynamique (MMP) (pour la fonction vasculaire), les fibres oxydatives lentes.
Nous percevons cliniquement au repos ou en travail statique (debout) :
- Une phase diastolique lorsque le muscle se remplit (diastole musculaire).
- Une phase systolique lorsque le muscle se contracte et se vide (systole musculaire).
L’ensemble des muscles du corps se divisent en deux groupes distincts :
- Les muscles Inspir se contractent (MMP au repos) en synergie avec l’inspiration thoraco-abdominale.
- Les muscles Expir se contractent (MMP au repos) en synergie avec l’expiration thoraco-abdominale.
Les éléments ou indices en faveur de l’existence de la MMP ?
Des éléments subjectifs et objectifs :
1. Les structures
Nous avons vu que le tissu musculaire est le principal moteur de la circulation veineuse lorsqu’il se contracte. Notre proposition est qu’il l’est également au repos. Tous les éléments nécessaires pour que le muscle puisse faire office de pompe sont présents dans celui-ci :
- Veinules
- Glomus
- Récepteurs nerveux
- Réserves de calcium
- Fibres musculaires ad hoc (oxydatives lentes)
2. La palpation
L’hypothèse de la MMP permet d’expliquer les mouvements que ressentent les ostéopathes dans les trois dimensions de l’espace. La MMP explique bien, par exemple l’alternance des rotations internes et externes involontaires du genou. Il s’agirait tout simplement d’une contraction périodique des rotateurs de cette articulation. Il en va de même pour toutes les parties du corps où l’on poserait nos mains.
Avec un entrainement simple, nous pouvons sentir les muscles se gonfler et se dégonfler périodiquement.
Approche de la MMP par la palpation
Le patient est en décubitus dorsal. Le thérapeute se positionne sur le côté du patient, positionne ses mains sur le gastrocnémien médial pour en apprécier les variations de volume. Il sentira, normalement, le muscle se gonfler et se dégonfler 8 fois par minute.
Nous pouvons également modifier ces rythmes avec des aimants, des aiguilles d’acupuncture, après libération des articulations en lésions, en chauffant ou refroidissant un muscle, etc…
3. Le tonus de repos
Nos muscles travaillent même au repos !
Il existe un tonus musculaire de repos, mis en évidence par les mesures des potentiels électriques musculaires. Quel serait l’intérêt d’une telle activité lorsque nous dormons ? Elle marque, selon nous, le travail involontaire des muscles striés, même au repos, et donc la MMP.
Qu’est ce qui pourrait expliquer les lombalgies nocturnes si les muscles n’étaient pas en activité la nuit ? Et pourquoi seraient-ils en activité ?
4. La répartition énergétique du métabolisme de base
Le corps consomme de l’énergie, même lorsque nous dormons. Les muscles squelettiques, dans leur ensemble, consomment à eux seuls 20 % de cette énergie. Ce qui en fait les plus gros consommateurs d’énergie, devant le foie et le cerveau. Par quelle activité est consommée cette énergie ?
Nous proposons de voir en la MMP l’un des postes les plus importants de dépense du métabolisme de base.
Chups Jussieu morio – Dépense énergétique Vermorel morio
5. Une question de bon sens
Il n’y a pas de différence entre les capillaires des vaisseaux profonds et ceux des vaisseaux superficiels au niveau du membre inférieur.
Pourtant la pression au sein des vaisseaux profonds est positive alors que celle des vaisseaux superficiels est quasi nulle. Le sang des vaisseaux superficiels étant aspiré par l’effet Venturi des vaisseaux profonds en aval.
Les capillaires des vaisseaux profonds sont situés à l’intérieur des muscles squelettiques. Il y a donc une corrélation entre la pression intraveineuse et la situation des capillaires selon qu’ils soient intra ou extra-musculaire.
Aujourd’hui la Motilité Musculaire Permanente est la seule proposition cohérente connue pouvant expliquer le mécanisme de la circulation du sang dans les veines. Dans cette hypothèse le muscle squelettique devient le moteur principal (en volume) de la circulation sanguine devant le cœur.
La Motilité Musculaire Permanente semble bien répondre au blanc laissé en physiologie concernant le retour veineux. Elle donne également une réponse tangible à l’existence des mouvements ressentis par les ostéopathes au niveau du corps.
Le retour Veineux comment ça marche ?
Nous allons décrire plusieurs abords de la circulation de retour pour les membres inférieurs.
- La circulation veineuse lors de l’effort dynamique
- La circulation veineuse pendant le repos
- La circulation veineuse debout immobile
- Et plus haut, plus loin
1 La circulation veineuse lors de l’effort dynamique
Depuis les travaux du Chevalier de Richerand (1817), il est admis classiquement que les muscles assument la circulation veineuse lors de l’effort. Ceci est démontré lors d’un examen Doppler, le muscle en se contractant chasse le sang qu’il contient dans les veines.
Cette circulation se fait en deux temps distincts :
Une période de remplissage ou diastole musculaire
Une période de contraction ou systole musculaire
La diastole musculaire :
Lors d’un footing un coureur fait en moyenne 3 foulées par seconde, donc il fait un pas en 0,33 seconde. Les muscles de chaque membre inférieur devront se remplir toutes les 0,66 seconde. La question qui émerge est de savoir comment les muscles, lors d’un Marathon, peuvent se remplir aussi rapidement ? (Seul le sang présent dans les veinules est propulsé par la contraction musculaire).
Trois phénomènes coexistent et coopèrent pour assurer la pré charge musculaire :
1. Les shunts pré-capillaire ou anastomoses artério-veineuse
Ils permettent au sang artériel de rejoindre la circulation veineuse sans passer par les capillaires. Il passe donc une quantité non négligeable de sang oxygéné dans les veines. Ce phénomène peut expliquer que les apnéistes peuvent tenir jusqu’à 15mn sans respirer… Ces shunts permettent d’augmenter rapidement le volume de sang circulant dans les veines notamment grâce au deuxième mécanisme d’étirement décrit ci-dessous. Ils permettent également de moduler la pression à la sortie des capillaires en réduisant la pression de celle-ci par effet Venturi provoqué par l’aspiration du sang des veinules au confluent avec le pontage de Suquet. Ceci pourrait permettre, si l’on s’en tient à la 2ème loi de Starling, de contrôler en les favorisant, les échanges osmotiques entre le sang contenu dans le capillaire et le liquide extra cellulaire adjacent.
2. L’effet de capillarité par aspiration
Les débits pré-capillaires sont déjà très faibles et la vitesse du sang ne pourrait suffire à expliquer le remplissage du muscle dans un laps de temps aussi bref. Les muscles ont besoin d’être étirés pour se remplir, plus le différentiel de longueur sera grand, mieux le muscle se remplira.
Comment les muscles se remplissent-ils lors de la course à pied ?
Lorsque nous courrons ainsi que lors de toutes nos activités physiques de notre vie nos muscles s’étirent mutuellement. Par exemple quand le pied touche le sol le jumeau externe va se contracter pour freiner son étirement afin de contrôler le déroulement du pas. Mais pendant ce temps le jumeau interne se laisse étirer alors qu’il ne se contracte pas encore. Cette phase permet au muscle jumeau interne de se remplir. Et lors de cet étirement passif le sang va être aspiré dans le muscle comme dans une seringue…
Les muscles de l’ensemble du corps profiteront en général du fait d’être étirés pour se remplir. Toutefois nous pourrons trouver des mécanismes de remplissage du muscle adaptés en fonction des contraintes locales. Si ce système semble « énergivore » (déplacement d’un volume sanguin supérieur à celui nécessaire aux échanges capillaires locaux) il faut tenir compte qu’il est à l’origine de la pression positive dans les troncs centraux. Ceux-ci par “effet Venturi“ vont aspirer le sang contenu dans les vaisseaux superficiel et assumer ainsi la vascularisation de retour des éléments du membre inférieur dépourvus de fibres musculaires (peau, os, masse graisseuse, etc).
Donc ce système n’assume pas qu’une circulation locale, mais une circulation plus globale et à distance (les vaisseaux superficiels). Ceci nous permet de survivre à des blessures superficielles sans nous vider de notre sang pour autant…
Le pontage de Suquet
Le remplissage du muscle par effet de capillarité et d’aspiration ne peut être efficace qu’à condition que les voies en amont soient libres. La résistance des capillaires au passage du sang rendrait insignifiante l’effet d’une aspiration musculaire. C’est la présence des shunts pré-capillaire qui autorise le remplissage des veinules avec le sang provenant directement des artérioles. Ceci permet d’optimiser le remplissage du muscle (ou pré charge). Ainsi le volume d’éjection du sang des muscles vers les veines augmentera. C’est la transposition de la première loi de Starling à la pompe musculaire…
3. La synchronisation cardio-musculaire
(Découverte à mettre au compte de l’auteur)
D’autres phénomènes locaux sont en œuvre pour faciliter le remplissage du muscle. Lors de la marche ou la course lente (Marathon), le cœur va adapter sa rythmicité aux foulées du coureur ou du marcheur.
Vous pouvez mettre en évidence ce phénomène en marchant ou courant tout en prenant votre pouls radial (au poignet). La systole cardiaque aura lieu juste après le contact du pied avec le sol. Changer l’allure de la marche et les systoles cardiaques s’adapteront à votre cadence. Essayez de tromper votre cœur en vous arrêtant juste avant l’appui d’un pied et vous verrez que votre cœur s’arrêtera de battre pendant un bref laps de temps. Puis les rythmes cardiaques reprendront leurs cours normalement…
Il est probable que ce phénomène favorise le remplissage des veines de la semelle de Bourceret juste avant l’aplatissement du pied au sol, permettant ainsi une augmentation de pression dans les troncs veineux grâce à un meilleur remplissage de cette pompe passive.
La systole musculaire :
Pour le membre inférieur il ne s’agit pas de faire remonter le sang du pied jusqu’au cœur. Il s’agit d’un système à échelles, ou de plusieurs systèmes permettant au sang de remonter d’un étage au sus jacent ou d’autres forces ou d’autres mécanismes seront mis en œuvre afin de monter à l’échelon suivant suivant.
Le sang devra passer :
- Du pied vers la jambe
Les muscles des pieds ainsi que l’aplatissement de la semelle de Bourceret lors de la marche permettront au sang veineux de remonter au-dessus de la cheville. - De la jambe vers la cuisse
Les muscles de la jambe et notamment le jumeau interne permettront au sang veineux de remonter au-dessus du genou. - De la cuisse vers l’abdomen
Les muscles de la cuisse et notamment le biceps fémoral permettront au sang veineux de rejoindre l’abdomen voire le médiastin. - De l’abdomen au médiastin vers le cœur
Le diaphragme va lors de l’inspiration comprimer l’abdomen chassant ainsi le sang contenu dans les organes qu’il contient par la veine hépatique vers la veine cave médiastinale.
Mais il s’agit d’une chasse des organes et des viscères (hormis les reins). La veine cave sous diaphragmatique verra son diamètre réduit de moitié lors de l’inspiration (ÉchoDoppler) et pourrait ainsi participer à la remontée du sang au dessus du diaphragme.
Mais les aides à la remontée du sang de l’abdomen vers le médiastin décrit ci dessus sont due à l’activité du diaphragme. Qu’en est-il pour les apnées de 24 minutes qui nécessitent une circulation sanguine continue ?
L’effet de la MMP des muscles fessiers ou psoas permettront une remontée du sang jusqu’au médiastin.
2 La circulation veineuse pendant le repos
L’activité de la MMP se manifeste lorsque le muscle squelettique n’est pas en mouvement, que ce soit activement ou passivement. La diastole et la systole musculaire auront les même caractéristiques que lorsque le muscle est en activité de façon active ou passive.
La MMP est une manifestation permanente sauf lorsque le muscle est mobilisé (activement ou passivement). La MMP est donc inhibée lorsque le muscle s’active dynamiquement. Une déficience pathologique de cette inhibition pourrait bien être à l’origine de la maladie de Parkinson.
La MMP comporte plusieurs caractéristiques qui lui sont propres, notamment l’alternance, la synchronisation thoraco-musculaire, le balayage, etc.
3 La circulation veineuse debout immobile
Lors des contractions statiques il n’y a pas de changement de longueur des fibres musculaires qui maintiennent un soldat debout. Mais concomitamment aux contractions statiques la MMP s’active. Cette activité est perceptible sur un sujet debout. Posez vos mains sur le jumeau interne de part et d’autre pour en percevoir le volume, vous pourrez sentir par-delà la tension des muscles statiques la motilité des muscles de la MMP qui font gonfler et dégonfler celui-ci (contractions isotoniques permettant un effet de pompe).
Lors des contractions statiques il n’y a pas de changement de longueur des fibres musculaires qui maintiennent un soldat debout. Comment la circulation peut-elle se maintenir malgré tout ?
Sur terre :
La MMP est bien adapté généralement à une vie ordinaire. Mais La MMP peut se trouver prise en défaut dans certains exercices de longue durée comme la position debout (dans une guérite) ou lors des phases de piétinement à laquelle elle ne semble pas parfaitement adaptée.
4 Et plus haut, plus loin
Dans l’espace la MMP est soumise à un autre chalenge. Comme nous le verront dans l’épisode suivant, la MMP assume également le rôle de draineur articulaire. Si le fait d’être en état d‘apesanteur semble naturellement faciliter le retour veineux, il n’en est pas de même pour les fonctions de drainage articulaire qui nécessitent des points d’appui fixes pour être plus efficaces. Il semblerait bien que les astronautes souffrent de douleurs articulaires que l’on pourrait assimiler pour les terriens aux douleurs nocturnes. Ils souffrent également de syndromes d’insuffisances veineuses lors de leurs retours qui seraient vraisemblablement dus à une altération de la fonction de la MMP durant les vols spatiaux .
À quand un ostéopathe dans l’espace ?…